La commission de concertation de l’enquête publique pour le projet Victor aurait dû se tenir fin mai. Mais, suite à une décision unilatérale de la commune de Saint-Gilles, cette réunion de la commission n’a pas été convoquée et l’enquête publique dans son ensemble a été annulée. La demande de permis est donc maintenant « suspendue » dans un vide juridique. La commune ne pouvant normalement pas, d’autorité, décider de ne pas mener à bien une enquête publique requise par les procédures. Ce n’est pas du tout prévu par le Cobat (Code bruxellois de l’aménagement du territoire). Et impossible de délivrer ou refuser un permis sans que l’enquête publique ait été menée à terme.

capture VictorPour rappel, le projet Victor, porté par le promoteur Atenor, consiste en l’érection de trois tours (dont une de 150 m de haut) et un plus petit immeuble, juste à côté de la tour du Midi à proximité directe de la gare du Midi. L’affectation demandée est de 100.000 m2 de bureaux pour 6.000 m2 de logements seulement (qui plus est, des studios, pour l’essentiel). Quelques rez commerciaux sont également au programme. Le projet a fait l’objet d’une étude d’incidences de 900 pages.

Picqué fait du zig-zag entre les tours

La « mise au frigo » de ce projet est de prime abord une bonne nouvelle. Depuis le départ, le projet suscite une forte opposition de la part des comités de quartier et des associations (voir les pages « Victor » d’IEB, du Codes et du comité de quartier « L’ombre des tours »). Avec la locale de Saint-Gilles, je me également suis toujours opposé à ce projet : trop de bureaux (alors qu’il y a pléthore de bureaux dans la Région et manque de logements; risque de « zone morte » le soir et le WE quand les bureaux sont fermés,…), gabarits disproportionnés par rapport aux quartiers environnants, projets à évaluer au regard de tous les autres projets dans la zone et nécessitant d’être inscrit dans une panification globale, etc. J’avais fait le point fin 2011 sur Victor et les enjeux dans la zone dans cet article.

Bonne nouvelle, donc. Le permis pour Victor ne sera pas délivré. En tout cas à court terme. Mais la manière pose question. Lors du débat que j’ai amené au Conseil communal le 23 mai dernier, en interpellant le Collège, le Bourgmestre a tout à fait assumé : la commune de Saint-Gilles ne veut pas instruire le dossier, alors que la Région s’est lancée dans l’élaboration d’un schéma directeur pour toute la zone Midi, dont on attend les conclusions pour dans quelques mois. Quitte à être en porte-à-faux par rapport aux procédures légales. Un revirement pour le moins étrange: jusqu’ici, la commune de Saint-Gilles a fortement soutenu le projet Victor, notamment en abrogeant le PPAS (Plan particulier d’affectation du sol) « France », ce qui a eu pour effet de diminuer les contraintes sur les gabarits, ainsi que sur les obligations en logements. Un tapis rouge pour Victor… On peut supputer sur les raisons qui ont amené à ce changement de cap, mais notons néanmoins que celles qui sont mises en avant officieusement et officiellement, comme l’insuffisance de logements dans le projet et la nécessité d’attendre un plan global pour le quartier, sont celles des opposants au projet depuis le départ. Or, la commune rabroue ces opposants et a laissé filer les procédures depuis près de deux ans… Par ailleurs, Saint-Gilles ne va pas jusqu’au bout de sa nouvelle logique; si c’était le cas, elle aurait mené la procédure à son terme et refusé le permis, ce qu’elle s’est bien gardée de faire.

L’autorité du serpent Kaa

Notons encore que ce permis doit être délivré à la fois par la commune de Saint-Gilles et celle d’Anderlecht, le projet étant à cheval sur ces deux communes. Et, du côté d’Anderlecht, d’après les réponses fournies à l’interpellation de mon collègue Ecolo Philippe Debry, on ne voit pas les choses de la même manière: la majorité PS-MR veut, là, faire avancer le projet et relancer une nouvelle enquête publique rapidement.

Quoi qu’il en soit, une extrême vigilance reste de mise. Charles Picqué, serpent Kaa à ses heures, excelle dans les techniques d’endormissement des contestations. Et les récents revirements saint-gillois pourraient être vus comme tels.