Soirée réussie à tous niveaux ! Pourtant, il s’agissait d’un challenge un peu particulier. Projeter un film, Adieu Barbiana, relatant une expérience unique (car non reproductible, vu les condition contextuelles particulières) dans un milieu rural en Italie et datant des années ’60 … c’était un risque. Pouvons-nous encore tirer des enseignements d’une telle expérience pour tenter d’apporter des réponses à la situation catastrophique de l’enseignement en Belgique, et en particulier apporter des réponses à l’amélioration de notre enseignement dans notre commune de Saint-Gilles ? En tout cas, une quarantaine de participants ont répondu “présents” malgré le froid de canard régnant sur Bruxelles. Et n’ont pas été déçus.

L’orateur invité, Jacques Cornet militant de la CGé, professeur à la Haute Ecole Libre Mosane de Liège (département Pédagogique), avant de répondre au “devoir” que nous lui avions imposé, a tenu à réagir à chaud à la vision du film.

“Où a-t-on avancé par rapport à ce passé ? Peut-être est-ce pire aujourd’hui.” Barbiana, école où le premier enseignement est d’apprendre l’insoumission. Aujourd’hui, le maître-mot est la soumission. On fait des classes où les enfants ne pensent plus. A Barbiana, sans réflexion didactique, on pratiquait l’école naturelle de Freinet, on partait de la vie quotidienne pour arriver aux concepts, y compris ses aspects politiques. En dehors des écoles qui participent à l’opération Ouvrir mon quotidien, ose-t-on encore aborder  la question sociale et politique en classe ?

Deux autres questions soulevées par le film: premièrement, l’importance de l’effet du maître. La personnalité du maître est essentielle, comme l’est le projet pédagogique. Deuxième question: l’expérience s’est déroulée en milieu rural, coupé de la ville en cette époque (1954-67). Il n’y avait pas de mixité sociale dans la classe: tous des enfants de la campagne et qui chaque année devaient présenter des examens à l’école officielle de la ville … avec un taux de réussite de 99,99 %.  Preuve que la mixité n’est pas une condition de la réussite. La mixité [qui sera un objet de notre réflexion] donne à réfléchir: les enfants doivent-ils être fiers de leur classe (sociale) ou doivent-ils être amenés à penser comme leurs maîtres ? Injecter simplement de la mixité, en gardant le statu-quo pour le reste n’est sûrement pas une solution.

L’orateur du jour aborde ensuite la problématique du Tous capables. C’est une question de conviction. Pour que l’enfant soit capable, il faut le considérer comme capable. Ce n’est malheureusement pas l’attitude majoritaire des enseignants, qui préfèrent travailler avec les meilleurs. Les enfants, à l’arrivée à l’école, ne sont évidemment pas tous égaux, ils sont même très inégaux, et notamment en fonction de leur position sociale. Même l’égalité d’accès à l’école est souvent un mythe. De même que l’égalité de traitement, déjà simplement dans l’infrastructure des bâtiments entre école “riche” (de riches ?) et pauvre (de pauvres ?) le gap peut-être extrême. L’égalité des résultats, exprimée en terme de socles à atteindre, même au niveau primaire souffre de la peur de “l’abaissement du niveau” qui conduit à des socles souvent considérés comme trop élevés. Que proposer dès lors ? pour notre compte, nous proposons l’égalitarisation des chances, qui elle est un processus évolutif.

Après cet exposé percutant, parole est donnée à la salle. Celle-ci se caractérise par la diversité des participants et intervenants, d’une directrice d’école professionnelle, à des parents, en passant par tous les intervenants en milieu scolaire: institutrices, membres de PMS, d’une cellule de remédiation, de cellules de médiation scolaire, d’AMO, d’écoles de devoirs et de mouvements pédagogiques. Nous saluons cette diversité, car c’est avec elle que nous espérons préparer des réponses concrètes à l’école d’aujourd’hui dans notre commune. Peu de questions, mais autant d’interventions qui seront abordées dans le cycle de réflexions que nous désirons démarrer – 1ère réunion le mercredi 2 février. Difficile d’être exhaustif, mais pointons déjà la question du temps (soulevée par le film: les enfants allaient à l’école 363 jours de 12 heures par an !), le rapport au langage et au savoir, la question de l’accès aux écoles, les écoles considérées (à tort ou à raison) comme “bonnes” envahies par une certaine classe sociale aux dépens des autres, la nécessité de la discrimination positive, la persistance d’échecs pour un certain public, le problème de la gratuité de l’école, sans oublier la formation des enseignants et même la création d’écoles alternatives.

La soirée fut donc une excellente introduction au Groupe de réflexion qui sera mis sur pied et qui traitera notamment des thèmes suivants:

  1. comment favoriser la réussite pour tous à 12 ans dans nos écoles ?
  2. l’école maternelle pour tous !
  3. l’immersion linguistique, projet mobilisateur ?
  4. défis de l’enseignement secondaire, et en particulier des filières techniques et professionnelles;
  5. comment préparer l’explosion démographique de demain au niveau de l’enseignement dans la commune.

L’objectif du GR est de formuler très concrètement les mesures qui peuvent être prises au niveau de la commune et les mesures à défendre à un niveau supérieur (Communauté française). A noter que nous visons non seulement l’enseignement de la commune (dont la commune est PO), mais tout l’enseignement DANS la commune (donc aussi le libre).

La première réunion est fixée au mercredi 2 février à 19h45 (probablement au Pianofabriek). N’oubliez pas de nous communiquez vos coordonnées, si ce n’est déjà fait, à contact@ecolo1060.be.

Prochaine réunion: mercredi 2 février à 19h45
(probablement au Pianofabriek).

Pour en savoir plus:

  • Les enfants de Barbiana : http://www.donlorenzomilani.it/
  • Lettre à une maîtresse d’école par Les enfants de Barbiana, Ed. Mercure, 1968 et 1972 (épuisé, mais disponible en prêt à la CGé et dans certaines Bibliothèques)
  • L’ouvrage de J. Cornet et V. Dupriez: La rénovation de l’école primaire, Ed. De Boeck, en vente ou en prêt à la  CGé